Quand ailleurs devient ici, il est inévitable d’entrer dans une phase d’adaptation et ce sur plusieurs niveaux. Évidemment, atterrir dans les tropiques, c’est tout à fait savoureux, je ne dis pas le contraire! La peau collante, les cheveux qui frisottent et même les piqûres de moustiques… j’adore tout simplement ça!
Le corps nécessite tout de même un temps d’adaptation. Il doit, dans un premier temps, contrer les effets indésirables du décalage horaire, qui sont clairement non-négligeables. Faire un bond de 12 heures dans le futur, ce n’est pas rien et c’est dur sur la machinerie humaine! L’horloge circadienne, qui régule plusieurs des rythmes biologiques est affectée et désorganisée; les périodes de sommeil, la température corporelle, le transit intestinal et le système hormonal (notamment le cortisol) s’en trouvent affectés, troublés.
J’aimerais faire une petite parenthèse sur le cortisol. Le cortisol, tout comme l’adrénaline, est une hormone de stress, ou plutôt, est sécrétée en réaction avec le stress par les glandes surrénales. Véritable initiateur et régulateur métabolique, le cortisol stimule l’augmentation du glucose sanguin (entre autre!) et permet de libérer l’énergie des réserves de l’organisme. Étant libéré en grande dose le matin pour s’estomper au cours de la journée, alors qu’à la nuit tombée, l’hormone est à nouveau cultivée au sein des glandes surrénales pour assurer la sécrétion lors de la matinée suivante, le cortisol ponctue donc nos journées. Je trouvais, tout simplement, intéressant de vous partager cette information sur l’un des nombreux automatismes de notre corps physique, invisible certes, mais qui a un impact significatif sur notre quotidien.
La parenthèse étant refermée, j’en reviens à l’adaptation de l’aspect physique. Non seulement, le corps doit composer avec les phases d’insomnie et les crampes intestinales (lol), mais il doit également tenter de réguler sa température, d’évacuer la chaleur accumulée dûe à l’immense écart entre « ici, qui est devenu ailleurs » et « ailleurs, qui est devenu ici ». On parle d’un écart de plus de 40 degrés. Mon corps d’origine nordique qui commençait à se modifier, se modeler au changement climatique de la saison hivernale; resserrant les pores de peau et accumulant quelques livres de graisse en réserve (non, mais disons-le, lol!) se retrouve perturbé, plongé au cœur d’un climat équatorial totalement accablant.
Après quelques jours, les pores de la peau se dilatent, la transpiration abonde, les fruits tropicaux assurent le bon fonctionnement du système digestif, mais il reste une grande part d’adaptation à vivre… Celle de l’état mental! Vous vous souvenez lors de ma dernière publication; ne rien faire, peut devenir un défi et peut même être perçu comme une souffrance! Je reste toujours stupéfaite, après toutes ces années, d’observer que mon esprit n’atterrit jamais au même moment que mon corps. Il prend même plusieurs semaines avant d’aboutir. Je continue de rêver au Québec et lors de mes périodes d’éveil, je scrute et décortique les horloges à force de regarder le temps s’écouler, conditionné par mon mode de vie québécois du « toujours plus et encore plus ». Jusqu’au jour où je me réveil, finalement, en réalisant que je suis arrivée entièrement puisque j’ai rêvé à « ici » et même en anglais. Je constate également, que le temps file à toute allure en ne faisant RIEN! Hey ça, c’est la belle vie! Hey ça, c’est ma vie! Et j’en suis reconnaissante.
Se réveiller sans alarme de réveil, se préparer un smoothie et grignoter des fruits de la passion à moins de 2$ le kilo, des mangues incroyablement parfumées et de succomber aux fruits du dragon tachant mes doigts de leur intense couleur rouge pourpre… Poursuivre mes matinées par une pratique de yoga en plein cœur d’une végétation exaltée et abondante… Je continue? Se perdre dans les petites routes jonchées de rizières verdoyantes, échanger des discussions aussi délicieuses que les repas vivifiants de santé que nous partageons… S’effondrer sur une table à massage pour se faire badigeonner d’huile de coco biologique, fondre sous la pression bienveillante des mains qui pétrissent notre chair et nos muscles pour la modique somme de 8$… Le plaisir de patauger dans la piscine pour se rafraîchir ou encore, de garnir notre réfrigérateur de produits locaux issus des cultures maraîchères de la région « Ubudienne »…Définitivement, ne rien faire, c’est carrément épuisant!!! On finit par s’écrouler pour la nuit, dans notre petit havre de paix, rideaux au vent, la brise caressant nos peaux basanées qui ont été bombardées de rayons solaires intrusifs et puissants… C’est ainsi que nous amorçons ce cycle routinier divin, pour les prochains mois à venir.
La dernière phase d’adaptation et non la moindre et sans doute la plus difficile, c’est de se résoudre au changement qui bat son fouet sur la petite Île des Dieux, celle que nous aimons tant! L’acceptation, le détachement face à cette nouvelle réalité. Une constance exponentielle qui ne cesse de s’accroître, dépouillant volontairement la richesse culturelle de l’île. Les villas poussent comme des champignons, remplaçant la beauté des rizières vierges. Les investisseurs chinois qui surexploitent les terrains en construisant des hôtels luxueux à étages, prenant atrocement d’assaut le ciel, sans prendre en considération l’aspect traditionnel des habitations magnifiques balinaises. Le tourisme de masse s’est bel et bien implanté et la loi de l’offre et de la demande laisse des traces indélébiles.
La notion de détachement fait partie intégrante des religions bouddhiste et hindouiste. C’est le fondement de base pour atteindre un bonheur durable. Sous toutes ses formes, l’attachement est tributaire de situations conflictuelles et négatives, et ce, sur l’ensemble planétaire. Le principe de « l’attachement versus le détachement » est inhérent à l’impermanence, sujet abordé lors du dernier billet publié. Si la conceptualité de l’impermanence m’autorise la possibilité de gérer ou maitriser certaines étapes « confrontantes » et majeures de ma vie personnelle, je ne réalise jamais assez à quel point l’attachement, qu’il soit d’ordre matériel ou émotionnel, est beaucoup plus vaste et général, allant jusqu’à me perturber sur des sphères aussi banales que l’évolution normale d’une nation, qui suit simplement son cours. Attention, je ne dis pas ici qu’il faut faire preuve d’indifférence! Il ne faut pas confondre l’indifférence au détachement spirituel, qui lui se lie de concert avec la compassion et l’amour universelle (l’état de Metta), contrairement à l’indifférence.
Alors, c’est ainsi que ma belle Bali m’offre une fois de plus l’occasion de travailler sur moi-même et d’élever mon niveau de conscience face à ma vie générale. Je scrute mon domaine émotionnel et j’extirpe les aspects positifs et incontournables de ce changement global, ce qui me permet d’élargir mes horizons. Cette prise de conscience m’apporte l’engouement de partir à la découverte d’autres lieux jusqu’à présent inexplorés au cours des cinq dernières années, où j’étais entièrement « scotchée » à Ubud.
À suivre…
Namaste
Signé Marie-Claude Ringuette